La tétralogie de Fallot est une cardiopathie congénitale complexe et cyanogène, peu fréquente chez l’Homme et chez les carnivores domestiques. Cette affection est grave et invalidante, nécessitant chez l’homme une correction chirurgicale totale et précoce. Peu de données sont disponibles dans la littérature vétérinaire concernant cette cardiopathie, la majorité d’entre elles provenant de descriptions de cas ponctuels. L’objectif de la première partie bibliographique de ce travail était ainsi d’analyser de façon comparative l’étiologie, l’épidémiologie, la physiopathologie et les caractéristiques cliniques de la tétralogie de Fallot en cardiologie vétérinaire et humaine. Le but de l’étude rétrospective, présentée dans la deuxième partie du document, était d’analyser les données épidémiologiques, cliniques, échocardiographiques et Doppler ainsi que la survie de chats et de chiens ayant fait l’objet d’un diagnostic de tétralogie de Fallot dans deux centres de référés en cardiologie vétérinaire. Un total de 31 cas (16 chats et 15 chiens) atteints de tétralogie de Fallot, diagnostiqués à l’Unité de Cardiologie d’Alfort et au Centre Hospitalier Vétérinaire des Cordeliers entre avril 2003 et juin 2014 a été analysé de façon rétrospective.
L’âge au diagnostic était de 11,9 ± 9,5 mois. Le pourcentage de mâles atteints était supérieur à celui des femelles, à la fois dans la population globale (61,3 % versus 38,7 %, respectivement) mais également chez le chat (61,3 % versus 38,7e%). En revanche, cette particularité n’a pas été retrouvée chez le chien, avec 53,3 % de mâles et 46,7 % de femelles atteints. Les chiens de petit format étaient les plus nombreux, représentant 60 % de la population canine. Les principaux symptômes fonctionnels observés étaient l’intolérance à l’effort (90,3 %), la dyspnée (58,0 %) et la cyanose
(48,4 %). A l’auscultation cardiaque, un souffle systolique basal gauche a été détecté dans la moitié des cas, aussi bien dans l’espèce féline que dans l’espèce canine. A l’examen électrocardiographique, une déviation axiale droite a été identifiée dans 43 % des cas. Concernant les résultats de l’examen écho-Doppler, une hypertrophie de la paroi ventriculaire droite modérée à très importante (épaisseur en moyenne 1,5 fois supérieure à celle de la paroi libre du ventricule gauche) était présente chez tous les animaux de l’étude. La localisation de l’obstacle sténotique était plus variée que celle décrite dans la littérature avec 64 % des sténoses isolées (sous-valvulaire, valvulaire, ou supravalvulaire) et 36 % de sténoses combinant au minimum 2 obstacles. La communication interventriculaire était toujours unique et large, avec un rapport moyen entre son diamètre et celui de l’aorte égal à 0,61. Lorsque la sténose pulmonaire était associée à un gradient de pression trans-sténotique supérieur à 80 mmHg, une inversion partielle ou totale du shunt à travers la communication interventriculaire était observée chez tous les animaux à l’exception d’un cas.
L’inversion de shunt était présente chez 71,4 % des animaux au moment du diagnostic, expliquant une survie limitée à court et moyen terme. En effet, la médiane de survie n’était que de 23,4 mois seulement dans la population générale et elle était presque divisée par deux chez le chien (13 mois), à mettre en relation avec l’apparition plus précoce de symptômes fonctionnels par comparaison à la sous-population féline.
En conclusion, cette étude est la première à décrire de manière exhaustive et précise les caractéristiques épidémiologiques, cliniques, écho-Doppler ainsi que la survie d’une population de carnivores domestiques atteints de tétralogie de Fallot. Les résultats montrent en particulier que les décès surviennent majoritairement chez le jeune adulte (malgré quelques exceptions), soulignant ainsi l’intérêt de développer des techniques chirurgicales palliatives ou curatives, à l’instar de ce qui est réalisé chez le nouveau-né.