Le cancer de la prostate est un problème de santé majeure dans l’espèce humaine, nécessitant un modèle pertinent pour l’étude de sa pathogénie, la perfection de son diagnostic ou la création de nouveaux traitements. Le chien, en tant que modèle spontané, est depuis longtemps proposé. Le cancer prostatique canin présente en effet la même présentation clinique, avec un schéma métastatique prioritairement osseux, des similarités anatomiques et histologiques (présence de lésions précancéreuses de HGPIN avec une forte prévalence, présence de lésions fréquentes de PIA), ainsi que des similarités physiopathologiques (anomalies génétiques partagées, rôle de l’inflammation primordial). Cependant, sa très faible incidence (0.6 % des cancers canins), l’origine histologique distincte entre le cancer prostatique humain (origine acinaire) et canin (origine ductale), la probable androgèno-indépendance du cancer prostatique canin (bien qu’il soit toujours d’actualité de se demander si ce cancer se développe initialement avec une dépendance aux hormones et que sa progression vers un statut réfractaire aux hormones est très rapide ou s’il est dès le départ androgeno-indépendant) ou encore le débat actuel quant aux similarités histologiques des cancers prostatiques canins et humains (les caractéristiques histologiques de la HGPIN telles que la couche basale rompue et les atypies nucléaires sont également retrouvées dans des épithéliums prostatiques canins bénins) nous amènent à nous questionner quant à sa pertinence en tant que modèle du cancer prostatique humain. Les gènes retrouvés à la fois dans l'espèce canine et humaine correspondent à des modifications que l'on retrouve dans des cancers humains à haut score de Gleason, signant des pathologies agressives, évoluant vite vers un stade androgéno-indépendant. Cela conforte donc l'hypothèse que le chien serait un bon modèle pour le cancer de la prostate mais à un stade avancé, androgéno-indépendant. Ces gènes sont néanmoins trouvés à des étapes précoces de la carcinogenèse dans l’espèce canine et à des étapes tardives de la carcinogenèse dans l’espèce humaine, ce qui peut nous faire penser que la carcinogenèse est possiblement différente entre l’espèce humaine et canine. Le chien serait donc probablement un bon modèle pour les cancers prostatiques de stade avancé androgéno indépendant et souvent métastatique chez l’homme. Le statut réfractaire aux hormones arrive en effet incontestablement chez l’homme, avec une issue parfois fatale. La compréhension des mécanismes moléculaires permettant la progression vers ce stade est critique pour développer des nouvelles cibles thérapeutiques et le chien peut être un candidat en tant que modèle de ce cancer réfractaire aux hormones. Le modèle humain a, quant à lui, beaucoup à apporter à l’espèce canine. En effet, de meilleures méthodes pour la détection précoce et des thérapies plus efficaces sont nécessaires pour le cancer prostatique canin, le diagnostic de cette pathologie étant trop tardif et menant à un pronostic très réservé. Les similarités génétiques trouvés chez l’homme comme chez le chien suggèrent des mécanises génétiques communs, menant à penser que les anomalies génétiques trouvés chez l’homme devraient être étudiées chez le chien que ça soit lors des étapes précoces ou tardives (stade métastatique) de la carcinogenèse. Quelques-uns de ces gènes cibles ont par ailleurs été étudiés, et retrouvés, dans d'autres cancers canins. Les mécanismes immunopathologiques (immunosélection, immunosubversion) du cancer prostatique humain ainsi que l’avancée de l’immunothérapie dans l’espèce humaine (approbation du vaccin Sipuleucel T par la FDA) devraient être pris en modèle afin de l’appliquer dans l’espèce canine, où les traitements d’immunothérapie n’en sont actuellement qu’au balbutiement et effectués principalement sur le mélanome.