Lors du jeûne survenant au cours de leur mue annuelle, les éléphants de mer austraux (Mirounga leonina) sont supposés rester à terre en raison de la perte d’isolation de leur pelage. Leurs seuls apports énergétiques proviendraient alors de l’utilisation des réserves énergétiques. Cependant, des études récentes s’étant intéressées à la sélection de l’habitat de l’éléphant de mer au cours de la mue ont mis en évidence des comportements singuliers, avec déplacements en mer, de quelques individus. Nous avons donc étudié les déplacements en mer et les éventuelles ruptures de jeûne de femelles éléphants de mer austraux, appartenant à la colonie de l’archipel des îles Kerguelen au cours des années 2012 à 2018, grâce à des trajets GPS, des enregistrements de température stomacale et de fréquence cardiaque. L’analyse des trajets GPS a montré que sur les 30 femelles étudiées, 17 ont effectué des trajets en mer dont deux des déplacements hauturiers. L’analyse des données d’enregistrement de température stomacale a révélé que sur les 28 femelles suivies, 17 ont présenté des épisodes de chasse ou d’ingestion d’eau de mer. L’analyse des enregistrements de la fréquence cardiaque issus de 12 femelles a mis en évidence des épisodes de bradycardie, probablement liés à un épisode de plongée chez un des individus. Ces données montrent ainsi, contrairement aux hypothèses classiquement avancées, que les trajets en mer et les ruptures de jeûne sont fréquents au cours de la mue des éléphants de mer austraux. La mue représentant des dépenses énergétiques très importantes, certains individus feraient donc le choix de partir en mer pour se nourrir ou boire afin d’accroitre leurs apports énergétiques ou se réhydrater.