Le caractère culard désigne une morphologie spécifique : des bovins exprimant de l'hypertrophie musculaire. Cette hypertrophie est d'origine génétique (gène mh) ; elle s'est répandue en Europe occidentale dans beaucoup de races avec les grands courants de migration du début du vingtième siècle. L'hypertrophie musculaire résulte essentiellement d'une multiplication du nombre de fibres musculaires conduisant à une nette amélioration des aptitudes bouchères (meilleure croissance musculaire, faible précocité des dépôts adipeux, qualités de carcasse ou de viande beaucoup plus favorables). Mais ce caractère est aussi associé à une réduction notable des performances de reproduction et des qualités maternelles ; ce qui rend difficile l'élevage de troupeaux de bovins culards.
La procréation de veaux croisés F1 (c'est-à-dire hétérozygotes porteurs d'un seul allèle mh), évite ces inconvénients tout en produisant des individus qui n'extériorisent que rarement le caractère mais ont une capacité de croissance musculaire supérieure à celles des veaux croisés non porteur d'un allèle mh (la plus value est estimée à au moins +5% à +10%). Ces résultats ont incité l'INRA à débuter dès la fin des années 60 le programme INRA95 de sélection de taureaux culards spécialement destinés au croisement terminal par insémination artificielle.
La création et la sélection sont faites par l'INRA, en étroite collaboration avec l'unité de sélection et de production de semence MIDATEST. Celui-ci assure l'évaluation des taureaux sur descendance, la production et la commercialisation de la semence.
Le programme de sélection
L'objectif du programme INRA95 est d'introduire le gène mh dans la souche, tout en poursuivant une sélection sur les aptitudes bouchères et en maintenant la capacité de renouvellement des femelles de la souche. Il síagit díune souche composite, cíest-à-dire constituée par croisement à partir de plusieurs races, notamment pour bénéficier des effets de vigueur hybride et des recombinaisons génétiques. La souche permet ainsi de procréer des taureaux culards destinés au croisement terminal par insémination artificielle. Ces taureaux culards sont également accouplés à des vaches culardes reproductrices du troupeau souche pour procréer les veaux culards destinés à la sélection (mâles) et au renouvellement de la souche (femelles).
Au domaine expérimental INRA de la Verrerie (Tarn), les recherches sont conduites pour maîtriser les difficultés de reproduction des vaches à l'aide des techniques les plus performantes. Les veaux mâles ainsi procréés sont sélectionnés sur leurs aptitudes bouchères en plusieurs étapes, d'abord sur leurs propres performances en station expérimentale de 0 à 120 jours (vitesse de croissance, efficacité alimentaire, ...) puis sur leur descendance en croisement, après procréation, en fermes et au hasard, de veaux croisés et évaluation sur une production de veaux de boucherie en ateliers spécialisés. Pour les 10 dernières années, les valeurs génétiques moyennes de ces taureaux sont voisines de celles des Blonds d'Aquitaine pour les facilités de naissance et la croissance, elles sont nettement supérieures pour la conformation et les performances d'abattage.
Seule la semence des meilleurs taureaux est agréée pour une diffusion commerciale (Midatest). Les tout meilleurs servent aussi à procréer la génération suivante dans le troupeau souche.
Le partenariat de la "filière viande précoce"
Le nombre de vaches inséminées avec des taureaux INRA95 était de 20 000 en 1970 et atteignait 30 000 à la fin des années 80. Depuis les années 90, près de 70 000 vaches sont inséminées annuellement. Ce brusque changement s'explique en grande partie par l'engouement des éleveurs pour un seul taureau ("Uhlolotte") donnant des veaux de robe claire et petits à la naissance. Selon les années, 2/3 à 3/4 des inséminations ont été faites avec ce taureau. Dans le Sud-Ouest, cette progression spectaculaire s'est faite au détriment des races paternelles traditionnelles, Limousine et Blonde d'Aquitaine. Cette progression semble se poursuivre, alors qu'en France les inséminations artificielles en croisement diminuent considérablement en raison de la réduction du nombre de vaches laitières (quota).
Si la robe bariolée non conventionnelle a limité la valorisation de certaines lignées dans les années 80, elle n'est plus actuellement un obstacle majeur.
En effet, les abatteurs transformateurs jouent aussi un rôle décisif. La qualité des carcasses obtenues sans hormones avec ces croisés INRA95 leur donne un atout commercial stratégique sur un marché ou l'image de la viande de veau est déterminante vis-à-vis du consommateur. Depuis 1993, les partenaires de la filière ont donc crée pour le Sud-Ouest une marque d'identification des veaux issus des meilleurs taureaux INRA95, (marque MIDAVO), afin de s'assurer leur achat pour leur filière.
Perspectives
Si la lignée INRA95 répond parfaitement à la demande actuelle, il aura fallu trente années entre sa conception, sa mise en place et son acceptation. Des progrès sont encore attendus concernant la productivité du troupeau souche, l'optimisation de sa sélection et l'actualisation de son objectif. Une plus large diffusion et exploitation sont à prévoir.
Il s'agit là d'un matériel génétique original permettant d'étudier l'hypertrophie musculaire dans ses mécanismes biologiques et sa gestion avec les nouveaux outils de génétique moléculaire, compte-tenu de la récente identification du gène mh (MSIN codant pour la myostatine) et de ses différentes mutations selon les races.
Pour en savoir plus :
Ménissier F. 1982. Intérêts du caractère culard ou hypertrophie musculaire d'origine génétique pour l'amélioration de la production de viande. Bulletin technique du département de Génétique animale. Publication INRA.
Legault C., Ménissier F., Mérat P., Ricordeau G., Rouvier R. 1996. Les lignées originales de l'INRA : historique, développement et impact sur les productions animales. INRA Productions animales. hors série. 41-56.
Grobet L., Royo Martin J.-R., Poncelet D., Pirottin D., Brouwers B., Riquet J., Schoeberlein A., Dunner S., Ménissier F., Massabanda J., Fries R., Henset R., Georges M., 1997.
A delation in the bovine myostatin gene causes the double-muscled phenotype in cottel. Nature genetics, 17, sept. 97, 71-74.
Grobet L., Poncelet D., Royo J.-L., Brouwers B., Pirottin D., Michaux C., Ménissier F., Zenotti M., DunnerS., Georges M, 1998.
Molecular definition of an allelic series of mutation disrupting the myostatin function and cousiny double-muscliny in cottle. Mammelian genome, 9, 210-213.
Laboratoires :
INRA - Jouy-en Josas : SGQA. Amélioration génétique des bovins à viandes - Domaine de Vilvert - 78 352 Jouy-en-Josas.
INRA - Domaine de la Verrerie - 81 400 Blaye-les-Mines.
Partenaires : Midatest - Les Nauzes - 81580 Soual