Les crises médiatiques de "la vache folle", outre les considérations sanitaires qui leur sont associées, ont relancé le débat sur la légitimité du "crime alimentaire". Depuis l'invention de la chasse, l'homme n'a cessé d'évoquer des raisons différentes pour justifier sa consommation de viande. Certaines civilisations ont rejeté tout type d'alimentation carnée en véhiculant un idéal de respect incarné par le végétarisme. La plupart ont assumé leur consommation de viande en invoquant tour à tour des raisons religieuses, sociales ou philosophiques. L'acceptation du "crime alimentaire" nécessite d'autre part une re-définition de la nature humaine et du statut de l'animal. Les avancées de la science et l'urbanisation massive ont mis à mal ces justifications et ont favorisé l'émergence du phénomène de "sarcophagie" : trop honteux pour avouer sa consommation de viande en vertu de considérations éthiques, l'homme moderne préfère oublier la nature de ce qu'il mange par différents procédés de réification de la chair animale. Afin d'étayer cette thèse, nous nous sommes proposés de dresser un profil du "sarcophage-type" en réalisant une enquête sur une centaine de personnes.