Les manchots empereurs se reproduisent au milieu de l'hiver. Leur poussins doivent affronter les conditions climatiques les plus rigoureuses de la planete et doivent donc developper des adaptations metaboliques essentielles a leur survie. Les hormones thyroidiennes qui jouent un role preponderant dans l'ontogenese de l'homeothermie chez les oiseaux peuvent contribuer au controle de ces adaptations. Dans ce travail, les effets metaboliques d'une perfusion exogene de thyroxine (T4) ont ete recherches chez le poussin de manchot empereur par comparaison avec des poussins de manchot adelie dont la croissance se deroule durant l'ete antarctique. Ces experiences ont ete realisees sur le terrain pendant un hivernage sur la base Dumont d'Urville en Terre Adelie. Les concentrations plasmatiques (mesurees par radio-immunologie) de T4 etaient superieures chez les poussins d'empereur par comparaison avec des poussins de manchots adelie de meme masse. L'injection de T4 exogene a faible dose (10 ug/kg) augmentait fortement la T4 plasmatique mais de facon moins marquee chez les poussins d'empereur que les poussins d'adelie. Cet effet etait associe a une augmentation plus importante des concentrations plasmatique de 3,5,3"- triiodothyronine (T3) chez les poussins d'empereur indiquant des capacites de conversion de T4 en T3. Ces variations de T4 en T3 plasmatiques n'etaient pas accompagnees d'effets appreciables sur la depense energetique de l'animal (quantifiee par calorimetrie indirecte) et sur les concentrations plasmatiques en acides gras et glucose (dosages enzymatiques). Ces resultats bien que preliminaires permettent d'avancer quelques conclusions. L'absence d'effets metaboliques des variations supraphysiologiques de T4 suggere que cette hormone n'est pas la forme active des hormones thyroidiennes chez les oiseaux. Les capacites de conversion peripherique de T4 en T3 semblent accrues chez les poussins de manchot empereur et pourraient contribuer a leurs adaptations metaboliques en augmentant la fourniture de T3 aux tissus. L'absence d'effet des variations physiologiques de T3 pourrait etre interpretee par une saturation des sites d'action par les secretions endogenes de cette hormone. Des etudes plus poussees sont necessaires afin de confirmer le role des hormones thyroidiennes dans les adaptations physiologiques au froid chez les manchots empereurs. Il ne faut cependant pas perdre de vue la fragilite de ce modele biologique et les difficultes de l'experimentation en terre adelie. Les investigations les moins invasives possibles doivent etre utilisees pour comprendre les adaptations remarquables qui permettent au manchot empereur de survivre dans le milieu le plus inhospitalier de la planete.