Selon le discours fréquent qui circule dans la profession, le vétérinaire se voit lui-même comme un professionnel fort adaptable. Il se pense capable d’affronter de nombreux domaines professionnels, même peu familiers, en vertu d’une adaptabilité qui lui viendrait de sa formation à la démarche clinique. En étudiant les connaissances actuelles sur l’adaptation et la créativité, puis en les mettant en rapport avec la démarche clinique, nous avons montré que cette dernière semble insuffisante pour expliquer l’éventuelle adaptabilité du vétérinaire. Nous avons pu proposer bien d’autres hypothèses, dépassant de loin la démarche clinique. Cette multiplicité a montré l’absence actuelle de preuves objectives confirmant le discours commun. Cela remet en question l’adaptabilité ellemême, car aucune de ses origines n’est avérée. Il s’agit donc d’une croyance. Or même si elle est fausse, cette dernière peut avoir une fonction bénéfique pour le vétérinaire. Selon la théorie générale de la rationalité (Boudon, 2007), on peut comprendre cette croyance comme un choix de l’acteur social (le vétérinaire tenant le discours). En effet, cette dernière renforcerait l’estime de soi des représentants de la communauté, et pourrait les orienter vers des choix visant à développer leur adaptabilité, la rendant possible voire inévitable, puisque liée à ce qui fait d’eux des vétérinaires : la démarche clinique. Le discours commun prend alors des airs de prophétie auto-réalisatrice. La croyance et l’environnement qui la conforte seraient les piliers de l’adaptabilité. La part personnelle (choisir de croire) indique que l’adaptabilité ne serait pas universelle, mais variable selon les individus. Ces réflexions ouvrent sur de nombreuses possibilités d’étude concernant l’adaptabilité réelle des vétérinaires, et sur l’amélioration de leur formation dans ce sens.